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Crise des déchets et habituation :

Le jour où l'on s'est habitué à ça.
 

Temples d'Angkor, Cambodge. L'une des merveilles du monde. Plus de deux millions de touristes par an. Au lever du soleil, une horde de photographes. Quelques minutes après, des poubelles laissées là, derrière eux, sans complexe.

 

Il était une fois, notre planête était verte. Notre planète était propre.

Mais ça, c'était avant.
 

Je suis une enfant des années 80. J'ai fait mes premiers voyages dans ma vingtaine, au début des annés 2000. Et je me souviens très précisément que ce n'était pas parfait, mais que c'était globalement plutôt propre. J'ai encore des photos qui le prouvent. Certains pays étaient plus sâles que d'autres, évidemment. Mais c'était essentiellement de la poussière, de la boue, des déchets organiques jonchant le sol, et un manque d'infrastructures. Ce dont je me souviens très bien, c'est que l'on n'avait pas encore l'impression que l'humanité avait laissé tomber la planète.
 

Je suis maintenant sur la route depuis plus d'un an, et mon quotidien est un monde de découvertes et d'explorations. Je vois de nouvelles choses tous les jours, je rencontre de nouvelles personnes.

Je sais que je suis en train de vivre ce que peu de gens pourront [ou auront le courage de] faire. C'est une chance incroyable, mais aussi un énorme pas à franchir dans une vie. Et chaque jour, je me réveille en murmurant à mon partenaire : "on a tellement de chance..."

Cela fait rêver bien des gens. Et à raison. Certains aujourd'hui ont même fait de leur voyage un "business model" et revendent ce rêve à d'autres. Le rêve d'une plage immaculée. Le rêve d'oisiveté. Le rêve des plus beaux hôtels. Le rêve de devenir une personne célèbre. Le rêve de faire des envieux.

 

Mais voyager a en réalité un inconvénient majeur. On ne peut plus fermer les yeux sur la crise environnementale. Et ce qui fait profondément mal parfois, c'est de voir ces vendeurs de rêve vendre des endroits ou des situations qui n'existent plus. Les voir vendre une parfaite utopie.

Des plages propres à Bali.

De la solitde au Canyon d'Antelope.

De la spiritualité contemplative au MachuPicchu.

En ce qui me concerne, cela m'est bien égal... jusqu'à ce que je les voie recadrer ou retoucher leurs photos pour en effacer le contenu embarrassant. La foule. Les nuages. Les déchets.


De mon point de vue, c'est à peu près aussi insupportable qu'un journaliste utilisant une ancienne photo de guerre pour illustrer la montée de la violence quelque-part. Ou aussi hypocrite que de d'essayer de convaincre l'opinion publique que la mobilité électrique est propre, alors que l'extraction de métaux rares détruit des immensités de paysages et gaspille d'énormes quantités d'eau. Parfois, c'est comme si le mot "éthique" avait été banni de notre monde monderne. Mais à moi, il me manque.


 

La planète a été magnifique, elle a été nourricière, enchanteresse, et inspirante. Mais aujourd'hui, elle nous donne à voir un nouveau visage. Et comme une personne est difficile à reconnaître après trop de chirurgie esthétique, notre planète est devenue méconnaissable parfois.
 

Les plages sont souillées, les forêts sont saccagées, les monuments sont salis, les océans et rivières sont remplis de déchets... Mais ce n'est pas le pire.

Le pire, en définitive, c'est que nos yeux sont en train de s'y habituer. Que cela est en train de devenir notre nouvelle normalité.

On voit maintenant bien des gens se baigner dans des eaux sales, faire du paddle dans les poubelles, picniquer au milieu des ordures. Ils jouent, ils vivent dans les déchets.


Cette série de photos, j'en ai bien peur, est vouée à s'allonger.

Elle n'a pas de fin. Je documente, et je documenterai l'état de la planète même si cela me fend le coeur à chaque fois que je sors mon appareil photo pour le faire.

 

 

Le fait que l'humanité soit en train de s'habituer à voir tout cela n'est pour moi pas acceptable. Que les enfants qui naissent aujourd'hui ne sachent jamais ce qu'est une rivière propre, à quoi ressemble un désert propre, ou une rue propre n'est pas tolérable.

 

Avec d'un côté une réelle attention portée à l'esthétisme dans le monde consumériste d'aujourd'hui et d'un autre de plus en plus de sites de plus en plus ravagés, tout doit maintenant être recadré ou retouché pour être beau. Les selfies comme les paysages. Aussi, j'avais à coeur de remettre la réalité dans son contexte, pour une fois.

"Pour une fois", parce-que comme tout le monde, je préfère la beauté. Alors, comme beaucoup, je finis par voyager dans des endroits vides où les paysages sont encore préservés dès que je le peux. Mais, in fine, même si mes "autres" photos ne montrent que la vérité, elles ne montrent pas toute la vérité. Et je pense qu'il faut que vous le sachiez.
 

Je souhaite faire de ce projet un témoin d'un moment particulier dans l'histoire - le moment où l'homme a oublié de considérer son propre jardin comme un trésor, et a commencé à s'habituer à la vue de ses propres déchets.


NOTE : Ces photographies ont été éditées dans un style qui est très différent de celui, plus neutre, que je choisis normalement. Ici, l'utilisation de filtres contemporains, typés réseaux sociaux, très années 2010, est un parti-pris.

Je voulais donner à mes photographies un style qui est celui de la génération Instagram, pour montrer ce que ce monde d'aujourd'hui justement ne montre pas : les mauvais cotés.

 

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Habituation

Habituation : En psychologie, l'habituation constitue une forme d'apprentissage. Elle consiste en la diminution graduelle (et relativement prolongée) de l'intensité ou de la fréquence d'apparition d'une réponse à la suite de la présentation répétée ou prolongée du stimulus l'ayant déclenchée.

L'habituation spécifique est l'accoutumance d'une région déterminée du corps à un stimulus répété, alors que l'habituation générale est l'accoutumance du corps entier à un stimulus répété.

Les mécanismes psychophysiologiques responsables du phénomène d'habituation sont de diverses natures en fonction notamment du degré de complexité du stimulus considéré. Sur le plan neuronal, l'habituation s'expliquerait par un épuisement des ressources disponibles à la population de neurones déclenchant la réponse.

[...] Exemple d'habituation : le comportement des bébés lorsqu'ils sont en présence d'étrangers. Entouré de personnes qu'il connaît plus ou moins, un bébé aura tendance à fixer moins longtemps du regard celles qui lui sont plus familières, s'attardant davantage à celles qu'il connaît moins ou pas du tout.

 
(www.wikipedia.com)

" Voyager a un réel inconvénient.

On n'arrive plus à fermer les yeux sur la

crise des déchets "

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